• texte de jacques rancière   philosophe

     

     

    Les puissants ne veulent plus d’une retraite qui soit le produit d’une solidarité collective

    Début de la déclaration du philosophe, prononcée le 16 janvier devant les cheminots grévistes de la gare de Vaugirard.*

     

    "Si je suis là aujourd’hui, c’est, bien sûr, pour affirmer un soutien total à une lutte exemplaire, mais aussi pour dire en quelques mots pourquoi elle me semble exemplaire.

    J’ai passé un certain nombre d’années de ma vie à étudier l’histoire du mouvement ouvrier et ça m’a montré une chose essentielle : ce qu’on appelle les acquis sociaux, c’est bien plus que des avantages acquis par des groupes particuliers, c’était l’organisation d’un monde collectif régi par la solidarité.

    Qu’est-ce que c’est que ce régime spécial des cheminots qu’on nous présente comme un privilège archaïque ? C’était un élément d’une organisation d’un monde commun où les choses essentielles pour la vie de tous devaient être la propriété de tous. Les chemins de fer, cela appartenait à la collectivité. Et cette possession collective, elle était gérée aussi par une collectivité de travailleurs qui se sentaient engagés vis-à-vis de cette communauté ; des travailleurs pour qui la retraite de chacun était le produit de la solidarité d’un collectif concret.

    Démolir pièce à pièce

    C’est cette réalité concrète du collectif solidaire dont les puissants de notre monde ne veulent plus. C’est cet édifice qu’ils ont entrepris de démolir pièce à pièce. Ce qu’ils veulent, c’est qu’il n’y ait plus de propriété collective, plus de collectifs de travailleurs, plus de solidarité qui parte d’en bas. Ils veulent qu’il n’y ait plus que des individus, possédant leur force de travail comme un petit capital qu’on fait fructifier en le louant à des plus gros. Des individus qui, en se vendant au jour le jour, accumulent pour eux-mêmes et seulement pour eux-mêmes des points, en attendant un avenir où les retraites ne seront plus fondées sur le travail mais sur le capital, c’est-à-dire sur l’exploitation et l’autoexploitation.

    C’est pour ça que la réforme des retraites est pour eux si décisive, que c’est beaucoup plus qu’une question concrète de financement. C’est une question de principe. La retraite, c’est comment du temps de travail produit du temps de vie et comment chacun de nous est lié à un monde collectif. Toute la question est de savoir ce qui opère ce lien : la solidarité ou l’intérêt privé. Démolir le système des retraites fondé sur la lutte collective et l’organisation solidaire, c’est pour nos gouvernants la victoire décisive. Deux fois déjà ils ont lancé toutes leurs forces dans cette bataille et ils ont perdu. Il faut tout faire aujourd’hui pour qu’ils perdent une troisième fois et que ça leur fasse passer définitivement le goût de cette bataille."

     

    Publication partielle

    * « Le Monde » a publié l'intégralité de cette déclaration du philosophe, prononcée le 16 janvier devant les cheminots grévistes de la gare de Vaugirard.

     

    Photographie de  Bård Ivar Basmo

     

     

     


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    Aujourd’hui, les 16337 cahiers de doléances sont classés dans des cartons au fond des 101 archives départementales françaises.

     

     

    La démocratie participative. C’est ce sur quoi avait misé Emmanuel Macron il y a un an jour pour jour afin de sortir de la crise des « gilets jaunes ». Pour ce faire, le chef de l’État avait donc lancé le 15 janvier 2019 le Grand débat national, accompagné de cahiers de doléances permettant aux citoyens de faire part de leurs revendications. Mais comme l’explique Marianne qui s’appuie sur le site Les Jours et France 2, ces 16000 cahiers qui devaient être mis en ligne, restaurer l’échange avec la population et être un modèle de « transparence », n’ont jamais été mis en ligne. Une déception pour certains maires qui faisaient preuve d’optimisme et qui avaient misé sur cette initiative.

    En réalité, selon l’enquête de France 2, les préfectures qui ont récupéré les cahiers, les ont bien transmis à la BNF (Bibliothèque nationale de France), qui elle-même les a transformés en les numérisant. Sauf que derrière, le gouvernement n’a jamais publié toutes les données recueillies sur internet. À la place, selon Marianne, il a décidé de publier une synthèse de 185 pages qui reprend peu ou prou certaines doléances. Intitulé « Analyse des contributions libres : cahiers citoyens, courriers et emails, comptes-rendus des réunions d'initiative locale », il retranscrit surtout des graphiques sur des sujets loin d’être clivants.

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    « Problème technique »

    Alors quelles en sont les raisons ? Les réponses divergent, souligne Marianne. Pour Sébastien Lecornu, ministre auprès de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, le souci est technique. « Les cahiers citoyens représentent des téraoctets de données, les héberger en permanence sur le site aurait été trop lourd à mettre en place », dit-il. Autre son de cloche du côté de l’administration qui met en avant un problème de financement.

    Or la mise en ligne de ces cahiers de doléance était une promesse du chef de l’État. Le gouvernement avait martelé à l’époque que « l’ensemble des contributions au débat, qu'elles aient été envoyées par voie postale, par courriel ou via les formulaires en ligne, serait à terme accessible à tous », allant dans le sens des déclarations d’Emmanuel Macron qui parlait d’échange et de débat. « Pour garantir votre liberté de parole, je veux que cette consultation soit organisée en toute indépendance, et soit encadrée par toutes les garanties de loyauté et de transparence », avait-il promis. Pour rappel, avant sa démission, la présidente de la Commission nationale du débat public, Chantal Jouanno, avait refusé de souscrire à « une campagne de communication ». Aujourd’hui, les 16337 cahiers de doléances sont classés dans des cartons au fond des 101 archives départementales françaises.

    Le mardi 5 mars 2019, Édouard Philippe avait l'honnêté de prévenir les Français à propos du "Grand débat" : "Le risque déceptif est important". Il ajoutait: "Il faut préparer nos concitoyens à ce que les propositions à la sortie ne soient pas les réponses à toutes les remontées des débats". Et à ce que le contenu des débats disparaissent à leur tour, visiblement.

     

     

    source 1

    source 2


     


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  • Suzanne Junker

     


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